Presse 2008/2009
Jeff, t'es pas tout seul
Le Soir Illustré, janvier 2008
L'ex-chanteur des Gangsters d'Amour revient sur une période de sa vie plutôt mouvementée.
Depuis le temps qu'il fait partie de notre vie, à nous, on n'en finit pas de suivre tous ses avatars, à lui. On l'a connu, un temps, qui fréquentait des Gangsters d'Amour, on l'a vu tenter - cette fois en solo - de faire « Du vélo sans les mains », raconter des « Histoires universelles » et décider que « T'es rien ou t'es quelqu'un ». Puis, enfin, en prendre de la graine et penser que « Et parfois, c'est comme ça ». Un disque qui clôture une période de sa vie que le chanteur-compositeur évoque, à demi-mot, comme « une année difficile». D'ailleurs, quand on lui demande si cette crise de la quarantaine qu'il a traversée a été si pénible que ça, il se contente d'un « plus encore » qui en dit long.
VIVRE OU MOURIR ?
Ce qui a provoqué la crise en question, il ne le racontera pas. C'est tout juste s'il évoque « des choses qu'on a laissées en suspens et dont on espère benoîtement qu'elles vont passer, que l'on n'aura pas vraiment à s'en occuper et qui vous retombe dessus, un moment où l'on ne s'y attend pas. » II ne dit pas non plus ce qui a fini par lui apporter un peu d'apaisement. On imagine que la longue préparation de ce nouveau disque y est forcément pour quelque chose. De Bruxelles à Miami, )eff en a fait du chemin - en a pris du temps - pour produire cet album très différent de ses précédents opus. Comme si, pour une fois, cet éternel impatient s'était octroyé le luxe d'aller au fond des choses. Parce que, comme il le raconte: «À partir du moment où on a l'ambition de "faire" vieux chanteur, c'est passionnant d'essayer d'aller au plus près de soi, de se dévoiler le plus possible. Une chanson réussie, c'est une chanson où: «je me retrouve à 100%», mais aussi où les gens qui l'écoutent se reconnaissent eux aussi. L'important étant de parvenir à parler de soi sans jamais verser dans le nombrilisme. »
À LA RECHERCHE DE MISTER BODART
Philosophe, notre Jeff national? Pourtant, le chanteur sursaute quand on lui parle de sérénité. « N'allons pas jusque-là. )e ne pense pas que, pour moi, la sérénité soit de ce monde. Mais, au moins, j'y travaille. » Et quand on l'interroge sur ce qui peut le faire bouger, avancer encore et encore, aussi pénible que soit le chemin, il évoque « L'envie d'aller plus loin, une vraie curiosité et surtout un vrai enthousiasme. Enthousiasme et curiosité sont les mamelles d'une vie réussie. » Puis, lucide: «Je suis quelqu'un de très, très écartelé. J'ai toujours eu soif d'extrême. Du meilleur au pire, j'en fais du chemin mais ça a toujours été ma manière de fonctionner. J'essaye de canaliser cette curiosité mais si elle n'était pas là, la vie me serait très lourde à porter. Évidemment, ce n'est pas toujours de tout repos, surtout pour mes proches. Mais, que voulez-vous, parfois c'est comme ça. » Comme d'habitude, fidèle à sa vocation d'entertainer, l'homme s'en sort par une pirouette mais on comprend bien qu'à ses yeux, parler de lui, de ce qu'il a vraiment dans le ventre, c'est déjà une prise de risque considérable.
JEFF ET JACQUES
Évidemment, on ne peut s'empêcher de lui parler de cette chanson où pour s'amuser, lui et Jacques Duval, son complice de toujours, donnent la parole au Jef de la chanson de Brel. Celui qui, sur un bout de trottoir, pleure sur sa vie foutue et auquel le grand Jacques adresse sa supplique désespérée. On comprend bien ce que la tentative peut avoir d'amusant pour Jeff et Jacques mais quand même, et c'est plus dérangeant, n'y a-t-il pas aussi un peu de Jeff en )ef ? « Des lacques, j'en ai rencontré. C'est terrible de sentir la pitié, la commisération, des gens. C'est terrible à vivre. Mais ici, Jef ne se laisse pas faire. Parce qu'après tout, qu'est-ce qu'il y fait Jacques, sur ce trottoir? Je ne pense pas m'être jamais laissé imposer quoi que ce soit. Tracer ma route à ma manière, c'est vital pour moi. Même si le chemin n'est pas facile, c'est le mien. Il continue à me conduire et, quoi qu'en pensent certains, à bien me conduire. » On ne peut être plus sincère. Alors, justement, quand on a l'ambition de "se mettre à poil " et que, pourtant, on est bien décidé à préserver sa vie privée, où se trouve la frontière? «Je la cherche tous les jours.» Et d'ajouter, justement à propos de la rumeur de son mariage avec Armelle : « On l'a lu dans la presse et ça nous a fait beaucoup rire. J'ai beau y mettre toute la mauvaise volonté du monde, je n'arrive pas à me mettre en colère. En tout cas, si on a jamais eu l'envie de se marier vraiment, avec tout ce battage, ça nous est passé et pour de bon. »
Francesca Caseri