Presse 2003/2005
Etre ou ne pas naître Jeff
Le Mad, juin 2003
Cette fois-ci sera la bonne : Jeff Bodart a réalisé son meilleur album. Qui déménage...
Autant évacuer le problème tout de suite : le précédent album de Jeff, « Ça ne me suffit plus », n'a pas rencontré le succès escompté et mérité. La qualité des chansons n'a visiblement pas suffi à séduire les oreilles d'un public auprès duquel le chanteur carolo basé à Bruxelles a toujours, du reste, un capital sympathie non négligeable. Les raisons de cet échec ?, nous a confié Jeff, je ne me suis pas trop posé la question. Les leçons du passé sont les pires choses à retenir. Ça m'ennuie. Ma réalité, ce sont les rêves du jour. La seule chose que je sais, c'est que d'avoir attendu six mois avant de monter sur scène a été une erreur. Tout avait été axé sur le changement, sur la casquette qui avait disparu, etc. Du coup, on n'a parlé que de ça. Mais je ne le renie pas, ce disque, il m'a permis de faire celui-ci. La preuve que la confiance de Jeff est loin d'avoir été entamée par cette contre-performance, c'est qu'il a réalisé lui-même son successeur, intitulé « T'es rien ou t'es quelqu'un ». Un disque pétant le feu de mélodies craquantes et de textes forts écrits par Jacques Duvall, Pierre Delanoë, Rudy Leonet, Thierry Robberecht (révélé par Marka) ou Jeff lui-même.
La plage titulaire est une belle histoire : Je ne connaissais pas personnellement Delanoë, mais on a un ami commun : François Bernheim. Cette chanson, ils m'ont avoué qu'ils l'avaient écrite pour Joe Dassin... juste avant qu'il ne meure. Ils l'avaient mise de côté en attendant de trouver quelqu'un pour la chanter. Ce qu'ils ignoraient, c'est que la première fois que j'ai chanté en public, en première primaire, dans la salle des fêtes de l'école, c'était « Les petits pains au chocolat » de Joe Dassin. Et que, la deuxième, c'était « Non, non, rien n'a changé » que Bernheim avait écrite pour les Poppies... Delanoë avait écrit un texte assassin sur les Gangsters d'amour, au lendemain d'un concert à Paris. Sans doute parce qu'à la fin on y chambrait « Aux Champs-Elysées » qu'il avait écrite. Je n'ai bien sûr pas manqué l'occasion de le lui rappeler.
Le premier single extrait de l'album est « Boire boire boire », une reprise en français du « Da da da » de l'Allemand Trio. Là aussi, l'histoire est belle.
J'ai fait ça en dilettante, pour m'amuser, en 24 heures, alors que le disque était déjà fini. Ça m'arrive parfois, comme j'ai aussi dans mes cartons « L'ennemi dans la glace » de Chamfort, qui pour moi est la plus belle chanson au monde. Pour « Boire boire boire », Stephan Remmler, le chanteur et éditeur de Trio, nous a réclamé 2 % de droits sur le sample de « hanhan hanhan ». Ça fait cher le hanhan. Si j'avais su, je l'aurais refait, mais il était trop tard, le disque était déjà sorti...
« Boire boire boire » n'est pas la seule chanson à parler de boisson ou de bar. On peut y voir bien sûr un hommage à son ami Christophe Miossec, même si leur rapport avec l'alcool est loin d'être comparable. Je ne fais pas l'apologie de l'alcool même si ça fait partie de ma vie. Pour moi, boire est un acte social qui se fait entre amis. C'est le sens de la fête, de la rencontre qui m'intéresse. Cela n'a rien de triste. Reggiani ou Gainsbourg ont bien chanté l'alcool. Boire au petit matin ou avant de monter sur scène, j'en suis incapable. Ceci dit, j'assume mes excès.
Jeff peut d'ailleurs assumer la totalité de ce disque qui a pour lui un son qui se tient tout au long du disque (avec Bodson et Gillet, il forme un vrai trio) ; de la tendresse (« Ne dis rien ») et beaucoup d'énergie qui, sur scène, donnera toute son ampleur. Il serait d'ailleurs temps qu'on songe, pour Jeff, à un album « live ». Non seulement, il n'en existe toujours pas, alors que Jeff est un homme de scène, mais, en plus, c'est son vœu le plus cher...· Jeff Bodart, « T'es rien ou t'es quelqu'un » (PiaS). Concerts le 20 juin à Tournai, le 22 à Nivelles et le 19 juillet aux Francofolies de Spa. Infos sur le www.jeffbodart.net.
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