Avec les Gangsters d'Amour ou en solo, cela fait presque vingt ans que Jeff Bodart se dédie à la chanson. Fêtard notoire aujourd'hui quarantenaire, il publie son quatrième album en faux solitaire.
Même s'il est fier de l'étiquette, depuis deux ans, Jeff Bodart a décidé de partir en mission pour prouver qu'il n'était pas qu'un chanteur populaire. "J'aime faire le guignol. Pour moi, c'est très facile, mais intellectuellement ça a des limites. Un jour, j'ai entendu une discussion entre deux mecs. L'un disait à l'autre: "T'as acheté le deuxième album de Jeff Bodart?" Et il a répondu: "Non, j'en ai déjà un". Comme si ce type savait exactement ce que j'allais faire. Ça m'a fait un choc. Plus jeune, je rêvais d'être une passerelle entre Joe Dassin et Joe Strummer. "
Est-ce par pudeur, par manque d'envie? Jeff Bodart a mis vingt années avant d'oser parler de lui, de montrer les ficelles, de laisser tomber les vieilles pudeurs. Après deux albums en solo ("Du vélo sans les mains" et "Histoires universelles"), il opère un tournant en 2001 avec "Ça ne me suffit plus". Si l'émotion est là, elle a du mal à transparaître. Il y a l'envie mais un cruel manque de réussite: le public n'est pas au rendez-vous. Mais Jeff n'est pas du genre à baisser les bras. Sa vérité est juste devant. Il fonce et sort aujourd'hui son quatrième album solo, "T'es rien ou t'es quelqu'un". Jeff Bodart touchant? Oui. Même s'il se cache encore derrière une apparente légèreté et quelques mauvaises habitudes, il ouvre certainement pour la première fois une fenêtre sur un personnage que l'on connaît finalement mal. Outre les chansons (Tu m'aimeras quand je ne t'aimerai plus, Canadair, Ne dis rien), une des surprises de ce disque tient à son prix. Sur l'étiquette, un sticker annonce "Jeff nous a demandé d'appliquer un prix spécial et vous offre la TVA".
Jeff Bodart - C'est important pour moi. Pendant longtemps, j'ai acheté plus de disques que je n'en vendais. En tant qu'amateur de musique, cela m'embête qu'un livre soit taxé à 6 % et qu'un disque soit encore considéré comme un produit de luxe (et donc taxé à 21 %). J'ai donc fait cette proposition à mon label. Le disque est vendu comme si la TVA était à 6 %. Il coûte donc moins cher. S'il n'y a pas moyen de faire changer la loi, alors on peut essayer de la contourner et d'une certaine façon servir d'exemple.
Quels sont les premiers échos sur ce nouvel album ?
J.B. - On dit que Jeff s'est trouvé ou en tout cas qu'il est en marche. En plus, cette fois, les gens l'achètent. Je suis content pour ma maison de disque car je leur coûte un peu d'argent. J'ai beau avoir 40 ans, je suis totalement irresponsable, surtout financièrement. La seule caution que je trouve au fait de vendre un disque, c'est de rapporter un peu d'argent à mon label, histoire de pouvoir un peu rembourser les dépenses que j'occasionne. Sinon moi, je les donnerais bien.
Le succès semble revenir. Ça te fait quoi
?
J.B. - Ça me fait plaisir de sentir que les gens s'intéressent au disque. Ce qui me dérange, c'est que cet intérêt passe par un acte commercial. Mais ce qui me touche vraiment finalement, c'est d'avoir épaté quelques amis car c'est le plus difficile. La reconnaissance des gens proches, des gens que j'aime, c'est pour moi très important. L'amitié est vraiment la trame de mon système. J'y trouve quelque chose de solide. Les filles qui ont partagé ma vie l'ont toujours su. Quand on prend Jeff, on prend aussi ses amis.
Tu fais cette année un doublé aux Francos
?
J.B. - Oui, d'abord le 19 juillet avec Marc Lavoine et Laurent Voulzy. Le spectacle reste très énergique mais il y a moins de chichi. Pas d'invité, pas d'artifice. Cette fois, je ne vais pas sortir un éléphant de mon chapeau. On va se concentrer sur la musique, l'énergie et l'émotion.
Et puis, il y a la soirée hommage à Pierre Rapsat.
J.B. - Oui, c'était un copain. Je voulais trouver une façon de rendre hommage qui ne soit pas pathétique. J'ai donc invité Karin Clercq à chanter Judy & Cie avec moi. J'espère que ce sera festif. Je sais qu'il y a le deuil. Mais pour moi, il faut danser dessus.
Propos recueillis par Jérôme Colin