Discographie
Best Of Jeff - 2009
Dix ans avant le 20 mai 2008, un journaliste lui a demandé ce qu'il ferait s'il lui restait six mois à vivre. Jeff Bodart a simplement répondu qu'il continuerait, mais plus vite et plus fort. Il continuerait à être chanteur. Depuis l'adolescence et la découverte du rock anglais, il n'avait rien voulu d'autre, au point de transformer le sage premier de classe en élève turbulent. Il a ensuite enquillé les albums, deux avec les Gangsters d'Amour, cinq en solo, et les tournées, escaladant les murs de baffles à Forest National pour voler la vedette à James Brown lui-même, ou finissant en slip et porté en triomphe au Théâtre 140, quelques heures avant de prendre le Transsibérien vers Pékin. Jean-François Bodart n'était jamais au repos.
Sur scène, il ne faisait jamais les choses à moitié. En revanche, pour ses chansons, il aimait l'art des demi-teintes, des textes qu'il faut prendre à revers. Cette délicatesse lui a coûté. Ses albums n'ont pas toujours rencontré le public ni la compréhension qu'ils méritaient. Il avait la réputation de se cacher derrière des mélodies légères et des rythmes enthousiasmants. En réalité, auteur complet ou interprète convaincu, il n'a cessé de se chercher et de se raconter dans ses chansons. On ne l'y a pas assez trouvé. Pour s'en convaincre, il suffit pourtant d'écouter le présent "best of" (et peut-être encore Sans tambour ni trompette, La vie la mort, Boire boire boire, C'que t'es belle quand j'ai bu...).
Depuis "Ca ne me suffit plus" en 2001, il répétait "j'ai l'impression de n'avoir pas su faire percevoir aux autres le meilleur de moi-même". Jeff était chanteur. Le meilleur de lui-même, il voulait le mettre dans ses chansons. Il avait commencé en 1985 avec les Gangsters d'Amour, big band survolté pour titres exaltés. Vint la fausse légèreté des premiers albums en petit comité, puis une dernière période aux contrastes marqués (les mélodies les plus solaires aux côtés de quelques noirceurs profondes). Dans son dernier disque "Et parfois c'est comme ça", il se montrait sévère envers lui-même ("on vaut bien mieux que ça, ça ne nous ressemble pas"), fataliste, mais aussi impatient du lendemain. C'était un adieu avoué à son passé. On ne savait pas encore que plus rien ne viendrait...
Jean-François était quelqu'un de bien. Il aurait voulu que ses chansons puissent en convaincre le monde entier, pour, faiblesse avouée, être aimé encore plus, d'encore plus de monde. Jeff aurait voulu lire tous les livres, voir tous les films, écouter tous les disques. Il aurait voulu d'une vie héroïque à leur image. Alors il a tenté d'écrire des chansons définitives et, pour tous ceux qui l'approchaient, il a rendu magiques des moments ordinaires. Et comme un magicien prononçant ses formules, on l'a entendu embellir la vérité pour magnifier une rencontre ou un souvenir. On l'a vu les yeux mouillés quand il s'emballait pour quelqu'un de bien, pour quelque chose de beau. Et c'est presque tout ce qu'il laissait deviner d'une sensibilité qui devait être dévorante. Tous ceux qui l'ont approché l'ont adoré et parfois l'ont plaint. Il était un courant d'air toujours disponible. Il a mis des éclats de génie, de rire et de grandeur dans sa vie et surtout dans celles des autres. Les chansons étaient toute sa vie. La vie l'a quitté. Les souvenirs et les chansons sont restées.
Jean-Luc Cambier (texte du livret)
Track-list
- Et parfois c'est comme ça - 3:14 (extrait de l'album Et parfois c'est comme ça, paroles et audio)
- Canadair 4:42 (extrait de l'album T'es rien ou t'es quelqu'un, paroles et audio)
- Je nous emmène 3:41 (extrait de l'album Histoires universelles, paroles et audio)
- Ça valait la peine que je naisse 3:29 (extrait de l'album Histoires universelles, paroles et audio)
- Demain matin 3:20 (extrait de l'album Et parfois c'est comme ça, paroles et audio)
- Apprendre à tout laisser 4:38 (extrait de l'album T'es rien ou t'es quelqu'un, paroles et audio)
- Chacun son histoire 3:45 (extrait de l'album Du vélo sans les mains, paroles et audio)
- Quelqu'un m'appelait comme ça 3:16 (Inédit, paroles et audio)
- Du vélo sans les mains 3:21 (extrait de l'album Du vélo sans les mains, paroles et audio)
- Tu m'aimeras quand je ne t'aimerai plus 3:45 (extrait de l'album T'es rien ou t'es quelqu'un, paroles et audio)
- Une histoire universelle 3:16 (extrait de l'album Histoires universelles, paroles et audio)
- L'oiseau de 7h32 3:49 (extrait de l'album Et parfois c'est comme ça, paroles et audio)
- Ca ne me suffit plus 3:27 (extrait de l'album Ca ne me suffit plus, paroles et audio)
- Destination ultramarine 4:01 (extrait de l'album Et parfois c'est comme ça, paroles et audio)
- Je ris 3:37 (extrait de l'album Et parfois c'est comme ça, paroles et audio)
- Ne dis rien 5:11 (extrait de l'album T'es rien ou t'es quelqu'un, paroles et audio)
Gangsters d'Amour - SOS Barracuda 3:57 (extrait de l'album Les gangsters d'amour ne mentent jamais, paroles et audio)
- Meurtre à Hawaï 4:09 (extrait du single, audio)
- Baron Rouge 4:08 (extrait de l'album Les gangsters d'amour ne mentent jamais, paroles et audio)
- Coûte que coûte 3:48 (extrait de l'album Les gangsters d'amour ne mentent jamais, paroles et audio)
Ce que Télé Moustique en pense...
Rencontré en 2007 pour son dernier album "Et parfois, c'est comme ça", Jeff Bodart nous dévoilait son nouveau plan de bataille. "J'ai enfin compris, je veux devenir vieux chanteur. Je m'en fous de courir après le son du moment ou le producteur tendance pour avoir un article dans Les Inrocks. Je veux chanter, je veux faire mon Jeff. Voilà mon objectif pour ces trente prochaines années". Jeff est parti le 20 mai 2008 mais il tient parole. Enfin presque... Il chante toujours, mais il ne vieillira plus. C'est comme ça. Ses mélodies lui ressemblent. Elles n'ont pas d'âge. Elles sont pleines de vie, pleines de rires, pleines de souvenirs, pleines d'émotions. En quinze titres puisés dans sa discographie solo auxquels ont été ajoutés l'inédit Quelqu'un m'appelait comme ça et les singles de ses Gangsters d'Amour, ce best of ne fait pas le tour de la question selon la formule consacrée. Il est la réponse à tous nos coups de blues. Ni plus, ni moins. Sobre dans sa présentation, juste dans les mots écrits par notre rédacteur en chef Jean-Luc Cambier et vrai dans sa musique.
Luc Lorfèvre, juillet 2009
Quelqu'un m'appelait comme Ça
R.Leonet / O.Bodson/ M.Krajewski (Strictly Confidential)
Avant d'avoir envie
De mille choses qui scintillent
Avant de tout balancer
Sans faire semblant d'hésiter
Avant d'avoir envie
De m'inventer une vie
Avant d'aimer parier
Sans être certain de gagner
Quelqu'un m'appelait comme ça
Jean-François
Avant d'avoir goûté l'ivresse
Suivie de matins de détresse
Avant d'avoir connu l'orgueil
La nostalgie et le deuil
Toi tu m'appelais comme ça
Avant d'avoir envie
Avant même de commencer
A faire semblant d'y penser
Quelqu'un m'appelait comme ça
